vendredi 6 décembre 2024

La Loi Martiale de la Corée du Sud Annulée !

La Loi Martiale de la Corée du Sud, instituée par le Président Yoon affaibli politiquement, a été Annulée par le Parlement, car sans motif Constitutionnel !  

par Ricardo Martins

La Corée du Sud déclare et annule la loi martiale : quels impacts géopolitiques ? 
Le président sud-coréen a surpris tout le monde en déclarant la loi martiale d’urgence. 
Ce qui rend cet événement encore plus marquant, c’est que Yoon est un favori à Washington et la Corée du Sud est considérée comme appartenant au groupe des démocraties dites "occidentales", caractérisées par un modèle libéral de gouvernance.

Que s’est-il passé en Corée du Sud ?
Le 3 décembre 2024, le président Yoon Suk-yeol, isolé sur la scène politique interne et marqué par son appartenance à l’ultradroite, a déclaré la loi martiale d’urgence dans une allocution nationale surprise. 
Il a invoqué la nécessité de protéger le pays des "forces communistes nord-coréennes" et des "forces antinationales", tout en présentant cette mesure comme indispensable pour "reconstruire et protéger" la Corée du Sud contre une "ruine imminente". 
Il s’agit de la première déclaration de loi martiale en Corée du Sud depuis 1980, lorsqu’un coup d’État militaire, soutenu par le président américain Jimmy Carter, mené par Chun Doo-hwan avait suivi l’assassinat du président Park Chung-hee. 
Peu après l’annonce, des véhicules de police ont barricadé l’Assemblée nationale, et des soldats armés ont pénétré de force dans le bâtiment, brisant une fenêtre pour y accéder. 
Le commandant de la loi martiale et chef d’état-major de l’armée, Park An-su, a publié la Proclamation n°1, interdisant toutes les activités politiques, y compris les opérations de l’Assemblée nationale, des assemblées locales et des partis politiques. 
Les manifestations, rassemblements et activités médiatiques ont également été restreints. 
Malgré ces mesures, à 1h du matin local, l’Assemblée nationale a adopté une résolution exigeant la levée de la loi martiale, avec 190 membres présents sur 300 votant unanimement en faveur. 
En vertu de l’article 77 de la Constitution sud-coréenne, cette résolution oblige le président à se conformer. 
À 1h12, les soldats se sont retirés de l’Assemblée nationale, tandis qu’environ 2.000 citoyens se rassemblaient à l’extérieur en scandant "Vive la République de Corée !".

Comment cela se compare-t-il aux précédentes déclarations de loi martiale ? 
Depuis sa fondation en 1948, la Corée du Sud a connu 16 déclarations de loi martiale, généralement en temps de guerre ou d’urgence nationale. L’article 77 de la Constitution autorise deux types de loi martiale : d’urgence et de sécurité. 
La loi martiale d’urgence, comme celle déclarée par Yoon, confère au président des pouvoirs étendus, tels que : 
Interdiction de toutes les activités politiques, y compris les manifestations et les opérations des partis ; 
Mise des médias et publications sous le contrôle du Commandement de la loi martiale ; 
Interdiction des perturbations sociales, telles que les grèves ; 
Obligation pour le personnel médical de reprendre ses fonctions dans un délai de 48 heures sous peine de sanctions ; 
Préservation, dans la mesure du possible, des activités quotidiennes des citoyens, sauf pour les "forces antinationales" ; 
Possibilité pour les autorités d’arrêter, de détenir et de punir les contrevenants sans mandat.

Les motivations de Yoon pour déclarer la loi martiale ! 
Les tensions entre le gouvernement de Yoon et l’opposition, menée par le Parti démocratique, se sont intensifiées ces derniers mois. 
Détenant une majorité parlementaire, l’opposition a constamment défié l’administration Yoon, lançant notamment 22 tentatives de destitution depuis son entrée en fonction en mai 2022. 
Le déclencheur immédiat semble être les récentes réductions budgétaires votées par l’opposition et les procédures de destitution visant des figures clés du gouvernement. 
Dans son discours, Yoon a accusé l’opposition de créer une "dictature législative" qui aurait paralysé sa capacité à gouverner, justifiant ainsi la loi martiale comme un moyen de rétablir la stabilité. 

Réaction de l’opposition et du public !
Le Parti démocratique, principal parti d’opposition, a rapidement mobilisé les parlementaires à l’Assemblée nationale. 
Son leader, Lee Jae-Myung, a fermement condamné les actions du président Yoon dans une intervention en direct sur YouTube, le qualifiant de traître à la démocratie et affirmant qu’il n’était plus le président légitime de la République de Corée.

Des critiques ont également émergé au sein même du Parti du Pouvoir du Peuple, dirigé par Yoon. 
Han Dong-hoon, chef du parti, a qualifié la déclaration de loi martiale "d’illégale et anticonstitutionnelle", tout en promettant de défendre la démocratie sud-coréenne aux côtés des citoyens. 
Suite à ces réactions et au vote de l’Assemblée nationale contre la loi martiale, le président Yoon a annulé sa déclaration. 
Les réactions internationales sont restées limitées. 
L’administration Biden a appelé à une résolution pacifique tout en évitant une critique directe des actions de Yoon. 
Pyongyang n’a pas encore réagi, mais il est probable que la Corée du Nord exploite cette situation pour des objectifs de propagande contre le gouvernement sud-coréen. 
Sur le plan intérieur, bien que Yoon ait probablement cherché à projeter une image de force, sa faible popularité – avec un taux d’approbation de seulement 10% – et le rejet rapide de la loi martiale par les législateurs et le public scellent son avenir politique. 
Une destitution semble imminente. 
Cette réaction rapide souligne la résilience des institutions démocratiques sud-coréennes et la volonté populaire de protéger les libertés fondamentales.

Impacts géopolitiques ! 
La déclaration, puis l’annulation rapide de la loi martiale en Corée du Sud sous la présidence de Yoon Suk-yeol, a des implications géopolitiques significatives qui s’étendent bien au-delà des frontières du pays. 
Alors que la crise immédiate met en évidence la résilience des institutions démocratiques sud-coréennes, elle révèle également les vulnérabilités d’un pays confronté à un environnement international de plus en plus complexe, marqué par la montée économique et militaire de la Chine voisine et par le pacte de défense mutuelle entre la Corée du Nord et la Russie. 
Grâce au rôle renforcé de la Corée du Sud dans la stratégie militaire américaine en Asie, le président Yoon, fragilisé sur le plan intérieur, est devenu un favori des think tanks et des soi-disant "experts" de la Corée à Washington. 
Le vice-secrétaire d’État Kurt Campbell est même allé jusqu’à suggérer que Yoon mérite le prix Nobel de la Paix pour avoir surmonté les différends historiques entre la Corée et le Japon afin de renforcer l’alliance trilatérale.

Voici mon analyse des développements géopolitiques découlant de cet événement :

Érosion de la crédibilité démocratique face à des tendances autoritaires !
La Corée du Sud, souvent citée comme modèle de démocratie libérale au sein du "monde occidental", voit son image ternie par cette brève incursion dans des mesures autoritaires. 
Cet épisode soulève des questions sur la stabilité des normes démocratiques, même dans des économies avancées. 
Il pourrait encourager des régimes autoritaires à remettre en question l’efficacité des systèmes démocratiques face aux crises internes, affaiblissant ainsi l’influence collective des démocraties libérales sur la scène internationale.

Dilemmes stratégiques accrus entre la Chine et les États-Unis ! 
La position géopolitique de la Corée du Sud devient de plus en plus délicate. 
Alors que la Chine affirme sa puissance économique et militaire, Séoul doit équilibrer sa dépendance à l’égard des garanties de sécurité américaines avec ses liens économiques avec Pékin. 
Les actions de Yoon risquent d’exacerber les divisions internes entre ceux qui prônent un alignement plus étroit avec Washington et ceux qui plaident pour une position plus neutre afin d’éviter de froisser la Chine. 
Cette division complique la capacité de la Corée à présenter un front uni face à des défis régionaux tels que les tensions autour de Taïwan ou la coopération accrue entre la Corée du Nord, la Russie et la Chine.

Impact sur la stabilité régionale et les alliances ! 
La réaction rapide contre la loi martiale met en évidence une fragilité interne qui pourrait affaiblir la position de la Corée du Sud dans des alliances clés, comme la stratégie Indo-Pacifique menée par les États-Unis. 
Une Corée du Sud déstabilisée risque de fragiliser l’alliance occidentale en Asie à un moment où l’unité est essentielle pour contrer l’influence grandissante de la Chine. 
De plus, cet épisode pourrait encourager la Corée du Nord et ses alliés, Moscou et Pékin, à exploiter la perception d’instabilité à Séoul pour en tirer des avantages stratégiques.

Conséquences économiques et géoéconomiques ! 
L’ascension de la Chine en tant que concurrent dans les secteurs des semi-conducteurs, de l’électronique et de l’automobile menace directement les bases économiques de la Corée du Sud. 
L’échec de Yoon détourne l’attention des défis critiques auxquels le pays est confronté et renforce l’urgence de naviguer dans la transition d’un ordre commercial mondialisé vers un environnement économique plus polarisé. 
La Corée du Sud pourrait être contrainte de s’engager pleinement dans la stratégie américaine de découplage avec la Chine, risquant des représailles économiques de Pékin.

Incertitudes autour du soutien américain face à "America First" !
La déclaration de loi martiale intervient dans un contexte d’inquiétude croissante concernant la fiabilité du soutien américain sous une éventuelle deuxième administration Trump. 
La rhétorique "America First" de Trump soulève des craintes que la Corée du Sud ne soit abandonnée en cas de conflit régional, compliquant davantage le calcul stratégique de Séoul. 
La perception d’un engagement américain fragile pourrait pousser la Corée du Sud à reconsidérer ses politiques de sécurité, envisageant peut-être une posture de défense plus indépendante ou diversifiée.

Enseignements pour l’ordre mondial ! 
Les actions de Yoon reflètent les pressions auxquelles sont confrontées les économies développées dans une ère d’incertitude géopolitique croissante. 
La Corée du Sud, un succès de la mondialisation soutenu par les États-Unis, se heurte désormais à un "climat" en mutation rapide où les anciennes certitudes – qu’il s’agisse du soutien américain ou de la viabilité d’un réseau commercial mondial – deviennent de plus en plus fragiles. 
Cet incident souligne que même les nations profondément enracinées dans l’ordre démocratique et économique occidental luttent contre des défis internes et externes sans précédent. 
Cela devrait servir d’avertissement pour d’autres démocraties sur l’importance de préserver l’intégrité institutionnelle et de s’adapter aux réalités transformantes d’un monde multipolaire.

source : New Eastern Outlook
https://reseauinternational.net/la-coree-du-sud-declare-et-annule-la-loi-martiale-quels-impacts-geopolitiques/